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De septennat en quinquennat, la vie politique française depuis plus de trente ans est rythmée par des cycles en vertu desquels l’exécutif en vient toujours à abandonner ses promesses et ses idéaux afin de tenter de récupérer une opinion et des médias qui le rejettent.
Le pouvoir est dans notre pays, en soi, illégitime. L’opinion, la rue l’emportent toujours à un moment on un autre. Puis, au niveau des symboles, il convient de souligner que les lieux d’exercice du pouvoir, l’Elysée, Matignon, la Palais Bourbon n’ont pas été construits initialement pour la Présidence de la république, les services du Premier Ministre ou la Chambre des députés. Les révolutions ont eu raison des anciens lieux de pouvoirs transformés en musées ou détruits comme pour les Tuileries. La France n’en a toujours pas terminé avec le raccourcissement de Louis XVI, la fin du Second Empire ou l’humiliation de 1940 ainsi qu’avec les guerres coloniales.
Les élections confèrent à l’exécutif un sursis qui peut durer de quelques mois à deux ans mais rarement plus. C’est le mythe des cent jours, de la lune de miel… Durant cette période, il est pour utiliser une expression de franglais « médiamaker ». Il est générateur d’actualités. Il est créateur d’évènements positifs. C’est tout neuf et tout beau. Les journalistes relaient alors avec complaisance les faits et gestes des nouveaux puissants. Drogués par cette illusion de puissance, les responsables en viennent à commettre toute forme d’excès et à perdre le sens de la mesure. Notre tradition royaliste prend le dessus amenant la presse et l’opinion à se retourner. Et puis, il est toujours amusant de condamner ce que l’on a tellement aimé. Le pouvoir de « médiamaker » devient « mediataker ». Il est obligé de réagir, de se justifier par rapport aux allégations de la presse, des blogs… Il court derrière l’actualité. De pyromane, il est transformé en pompier impuissant. A peine, un incendie est éteint que plusieurs autres prennent aux quatre coins de la France. L’opposition et les syndicats n’ont qu’à jeter que quelques gouttes d’huile à jeter pour embraser de multiples foyers qui durant la première période n’auraient donné lieu qu’à quelques lignes au fonds d’une rubrique. Un responsable de FO avait un soir dans le bureau d’un ministre de la santé déclaré que la démocratie sociale, c'est-à-dire la force de la rue mue par des organisations qui ne représentent que quelques pour cents de la population active l’emporte toujours sur la démocratie politique. Ce coup de menton n’est pas sans fondement.
Face aux déchainements médiatiques, face à la baisse dans les sondages, les gouvernements en viennent à abandonner leur programme. En règle générale, ils essaient de colmater les brèches en décidant la pause dans les réformes et en obéissant aux diktats de la presse. Ils en arrivent à pratiquer une politique inverse à leurs engagements.
En 1981, François Mitterrand est élu sur la base d’un changement net d’orientation de la politique économique. Dès 1982 avec la défaite aux cantonales et surtout en 1983, après les résultats catastrophiques des municipales et la dégradation de la situation économique, l’exécutif décide la pause dans les réformes. La bataille de l’école privée, en 1984 aura raison de l’esprit du 10 mai 1981. La nomination de Laurent Fabius comme Premier Ministre et le départ des ministres communistes confirment la modification du cap ce qui n’empêchera pas la droite de gagner les élections législatives de 1986.
La première cohabitation de 1986-1988 n’échappera pas à la règle même si elle demeure comme une période durant laquelle un gouvernement oser mettre en œuvre une grande partie. Les manifestations étudiantes et la mort de Malik Oussekine ont néanmoins provoqué une césure ; il y a avant et après cette mort. Avant Jacques Chirac est dans la certitude de gagner l’élection présidentielle ; après il tente de ne pas mourir. Sa défaite a marqué l’histoire politique de ses vingt dernières années. Pour gagner l’élection suivante, le pouvoir se doit de na pas appliquer son programme et gérer au fil de l’eau. Telle a été la leçon qui a, à tort, été retenue de cette première cohabitation.
La période 1988-1993 est marquée par la lente déliquescence sur fonds d’affaires du pouvoir socialiste. Il n’en demeure pas moins qu’elle comprend deux partie, la première avec Michel Rocard, Premier Ministre populaire qui instaure la CSG et tente de réformer le pays en conservant les acquis libéraux du précédent gouvernement, la seconde avec les gouvernements d’Edith Cresson et de Pierre Bérégovoy impopulaires qui sont ballotés par les évènements.
La seconde cohabitation se veut différente de la première du fait que François Mitterrand ne se représente pas et qu’Edouard Balladur entend ne pas commettre les erreurs de son ancien mentor et désormais concurrent. Il veillera à appliquer avec un extrême pragmatisme le programme de 1993 ce qui n’empêchera de buter sur le Contrat d’Insertion professionnelle. Dès la fin de l’année de 1993 et surtout à partir du mois de mars 1994, la période de grâce est terminée. La descente aux enfers sera lente mais tracée jusqu’à la défaite en 1995.
L’élection de Jacques Chirac donnera lieu à la plus courte lune de miel. Dès la fin de l’année, le pouvoir doit abandonner son ardeur réformatrice et se contenter de gérer le quotidien. Les grandes manifestations de l’hiver 95 cumulées avec les affaires ainsi que les divisions au sein de la majorité incitent le pouvoir à anticiper les élections législatives en 1997, une année avant la fin de la législature. Le pari fut perdu du moins pour la conservation de Matignon mais se révéla judicieuse pour la réélection de Jacques Chirac.
Le quinquennat « matignoneste » de Lionel Jospin et de la gauche plurielle commença dans le bonheur avec le retour de la croissance et les 35 heures. Tout réussissait au nouveau Premier Ministre. Son équipe était appelée la « dream team » avec Dominique Strauss-Kahn, Elisabeth Guigou, Martine Aubry, Dominique Voynet… L’assassinat du Préfet Erignac, la difficile application des 35 heures rendues obligatoires dans le dos du patronat, les divisions à gauche fissurèrent l’édifice. Le balancier mis à gauche toute au début de la législature se déplaça à droite avec un Laurent Fabius devenu Ministre de l’Economie et qui se voulait être le Tony Blair français. L’impôt sur le revenu fut abaissé et les stocks options favorisées. Lionel Jospin ne franchit pas le premier tour offrant à Jacques Chirac, tout étonné, une élection à la soviétique.
Avec 82 % des voix, la légitimité aurait pu être forte et durable or elle ne résista pas à l’épreuve de la tradition. Jean-Pierre Raffarin, au début, avec son côté bon sens près de chez-vous » fut très populaire et entrepris de réformer le système de retraite. La canicule de 2003 et l’usure des bonnes formules génèrent un désamour au point où la droite perdit les élections régionales et cantonales de 2004 ainsi que l’élection européenne de 2005. Impopulaire, l’exécutif dut subir une défaite humiliante avec le référendum concernant le Traité constitutionnel européen voulu par la France et écrit sous l’autorité de Valéry Giscard d’Estaing. Dominique de Villepin a en quelques mois connu la même fatalité, l’envol dans les sondages, le côté tout est possible puis la douche froide avec l’échec du CIE et l’affaire clairstream.
2007 rererebelotte… Nicolas Sarkozy avait prouvé qu’il pouvait être mediamaker sur longue période en tant que ministre de l’intérieur. Il le fut durant toute la campagne électorale. Par son dynamisme, il continua au-delà des quelques incompréhensions provoquées par le yacht de Bolloré ou son escapade estivale aux Etats-Unis durant l’année 2007 à créer le mouvement et à maintenir le cap. La crise en lui conférant un rôle international renforça sa stature. La victoire relative de l’UMP à l’élection européenne de 2009 lui donna un sursis tout comme la popularité de son Premier Ministre. Il n’en demeure pas moins qu’au fil des mois, la presse a repris son droit à détruire, à créer l’actualité. D’offensif, le pouvoir est devenu défensif. Les Ministres courent de plus en plus derrière les incendies allumées pour certains par eux-mêmes, par leurs collègues. Toutes les décisions sont mauvaises. Il en fut ainsi avec le plan de vaccination comme il en est aujourd’hui avec les expropriations en Vendée et en Charente Maritime après les inondations liées à la tempête Xynthia. Il y a quelques semaines, toute la presse considérait qu’il fallait détruire les maisons ; aujourd’hui, c’est scandaleux de priver de leur maison des familles…
Englué dans l’histoire du bouclier fiscal, terrible mot pour un principe qui devrait faire l’objet d’un consensus (est-il normal que plus de la moitié de ses revenus soit affectée aux impôts), le pouvoir en vient à vouloir taxer les riches ce qui signifie en France taxer les cadres moyens et les cadres supérieurs, c'est-à-dire ceux qui sont déjà les plus imposés. A vouloir obéir à l’opinion publique, le pouvoir risque de se désagréger.
La remise en cause du bouclier fiscal pourrait intervenir dans le cadre de la réforme des retraites. Il est fort à parier qu’à deux ans de l’élection présidentielle, de peur de se mettre à dos la démocratie sociale, le pouvoir décide de modifier avec prudence les paramètres avec comme conséquences de mécontenter tout le monde. Augmentation des contributions, allongement de la durée de cotisation, étude pour l’avenir de la retraite par points et du report de l’âge légal de départ à la retraite… Rel pourrait être le programme de la négociation.
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